Page 59 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
P. 59

59


                     Bref, la violence de ces vents redoutables obligea à prendre des mesures en
                  conséquence.  Il  fut,  en  particulier,  stipulé  par  une  note  de  service  que  « les
                  départs devaient être interdits chaque fois que la vitesse du vent au sol
                  dépasserait 130 km/h » !  C'est dire la fréquence de ces vents excessivement
                  forts dont on n'a pas idée en Europe.

                  Pour en revenir à mon voyage avec le Comte de la Vaulx, après un court séjour
                  à  Comodoro  Rivadavia,  nous  prîmes  le  chemin  du  retour,  heureusement  par
                  temps calme cette fois. Et pour atteindre, Trelew il ne nous fallut que 2 heures 5
                  au lieu des 4 heures 30 de l'aller.


                   À cette escale, une rencontre émouvante eut lieu : un monsieur, déjà d'un certain
                  âge, fendant la foule qui entourait l'avion, se planta devant le Comte de la Vaulx,
                  lui demandant s'il ne le reconnaissait pas. Après quelques secondes de réflexion,
                  le comte, tout ému, se jeta dans les bras du visiteur en qui il avait retrouvé le
                  « capataz » (chef) des « peones » (manœuvres) qui constituaient la caravane à
                  la  tête  de  laquelle  il  avait  exploré  la  Patagonie,  plus  d'un  quart  de  siècle,
                  auparavant, ce descendant de Gallois.


                  Cette région de la Patagonie a été colonisée par des émigrés du pays de Galles,
                  ce dont témoignent les noms de villes que l'on y rencontre, Trelew, Rawson, etc.-
                  à force de travail, avait réussi à se rendre propriétaire d'une exploitation agricole
                  assez importante dont la principale production était la pomme, spécialité de cette
                  province du Chubut, ainsi appelé du nom de la rivière qui l'arrose. Avec quelle
                  fierté,  cet  ex-capataz »  évolué  ne  nous  fit-il  pas  visiter  sa  propriété  et  ses
                  installations, tandis qu'entre le Comte de la Vaulx et lui fusaient les souvenirs
                  de leurs expéditions de jadis.

                  Encore  une  étape  et  nous  arrivâmes  à  San-Antonio  Oeste  où  nous  attendait
                  Mermoz  (c)  avec  un  « Laté  25 »,  tandis  qu'un  autre  avion,  un  biplan  Curtiss
                  Oriole, piloté par son propriétaire, M. Luro Cambacérès, avait atterri sur le même
                  lac  desséché  que  j'avais  choisi  comme  lieu  de  ma  rencontre  avec  Mermoz.
                  J'allais,  d'ailleurs,  peu  après,  engager  ce  pilote,  Luro  Cambacérès,  à
                  l'Aeroposta  Argentina dont il devint d'abord chef pilote, puis, bien plus tard,
                  directeur  de  l'exploitation.  Il  est  même  assez  curieux  de  constater  qu'à  ce
                  moment, nous comptions parmi les dirigeants de la filiale de l'Aéropostale deux
                  descendants  directs  des  consuls  français,  compagnons  de  Bonaparte  :
                  Emmanuel de Sieyès qui était l'homme de confiance de M. Marcel Bouilloux-
                  Lafont en Argentine et le représentant de son groupe dans ce pays, « patron »
                  de l'Aéropostale et de l'Aeroposta, et Rufino Luro Cambacérès ».


                  « Après une joyeuse soirée passée au petit hôtel de la localité et une bonne nuit
                  de repos, le lendemain matin, Mermoz, accompagné de son fidèle mécanicien
                  Collenot, emmena le Comte de la Vaulx, mais une panne l'immobilisa quelques
                  heures au sud de Santiago.

                     De mon côté, accompagné de Luro jusqu'à Bahia Blanca, je rejoignis Buenos
                  Aires avec mon mécanicien et un journaliste qui s'était joint à nous à San-Antonio
                  Oeste".
   54   55   56   57   58   59   60   61   62   63   64