Page 86 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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                      Dans ces instants-là, une force intérieure stimule soudain et décuple les
                  énergies  physiques  et  nerveuses  quand  on  se  serait  cru  incapable  de
                  déployer un effort de cette intensité et de cette durée.

                   Les mécaniciens devant compléter notre provision d'essence et jeter un
                  coup  d'œil  sur  la  cellule  et  le  moteur,  nous  décidâmes  de  prendre  une
                  heure de repos et de nous restaurer.


                  Trois fois, je fis remorquer de nouveau l'hydravion par la vedette sur la ligne
                  de départ. Ce fut pour enregistrer trois nouveaux échecs.

                  Je priai les mécaniciens de vidanger de l'essence jusqu'à ce que l'appareil
                  ne  pesât  plus  que  5  300  kilogrammes.  À  une  heure  du  matin,  j'avais,
                  quatre échecs de plus à mon actif.

                  Pour comble de malheur, la hauteur des eaux avait baissé avec la marée
                  basse. Notre hydravion, tiré par la vedette, s'échoua sur une sorte de banc
                  de sable et nous dûmes nous retirer.


                  Le 8 juin, à 20 heures, j'étais sur la ligne de départ et à une heure et demie
                  du matin, le 10 juin, nous allions nous coucher après vingt-trois tentatives
                  infructueuses.

                  Mais je ne comptais pas les embardées à gauche et les "chevaux de bois"
                  à droite redressés plus souvent au moteur qu'au pied.


                  Ce n'est qu'à 10 heures et demie que les mécaniciens eurent achevé leur
                  révision.


                   Comme  nous  avions  récupéré  des  forces  nouvelles,  nous  étions  tout
                  disposés à faire ce que l'on appelle l'impossible.


                  Au cours de la matinée, je n'eus pas plus de chance que précédemment :
                  six faux départs furent ajoutés aux vingt-trois déjà enregistrés.

                  L'après-midi, il y eut quelques grains.


                   Ce ne fut pas un obstacle : six fois, je me fis conduire vers l'embouchure
                  du fleuve.

                     Ayant essuyé trente-cinq échecs entre les vingtièmes heures du 8 juin
                  et le seizième du 10 juin, je dus donc renoncer à tout : avec le vent fort de
                  côté, les flotteurs n'avaient pas le temps de sortir de l'eau et l'hydravion
                  avait une course insuffisante pour que j avoir des chances de réussir dans
                  mon entreprise. Le vent n'étant jamais de face, l'appareil ne pouvait pas
                  s'accrocher.
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