Page 90 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
P. 90

90


                       Dabry et Gimié n'étaient pas plus à l'aise, le premier pour effectuer ses
                  travaux de navigation et le second pour émettre et recevoir des messages
                  radio.

                  Pendant trois heures et demie, tout se confondit : les nuages, l'horizon et
                  la mer.


                       De temps en temps, des petites gouttes d'huile, s'écrasaient sur le pare-
                  brise.

                  Je n'eus aucune inquiétude : je croyais que le trop-plein d'huile s'échappait
                  par le bouchon du réservoir.


                  Comme tout a une fin, à minuit, nous dépassâmes la zone de perturbation,
                  pour entrer dans un ciel splendide, dépourvu de tout nuage et baigné dans
                  une lumière éclatante.


                  Jusque-là,  nous  avions  navigué  avec  une  grande  sûreté :  le  poste  de
                  Fernando de Noronha et le bâtiment Cigogne firent des relèvements avec
                  beaucoup de précision. Noronha commit une petite erreur et nous emmena
                  à 45, 50 kilomètres de notre route. L'ancien capitaine au long cours Dabry
                  eut tôt fait de faire le point et de déterminer la correction. Deux heures plus
                  tard, le Bemtévi nous indiqua que nous étions sur la route.

                  Je commençais à être tourmenté par les taches d'huile qui grossissaient et
                  se multipliaient sur le pare-brise. Car les heures passaient, et le moteur
                  devait bien consommer quelques litres.

                  Je fus distrait par deux lumières qui posées sur la mer, non loin du rocher
                  de  Saint-Paul  que,  nous  avions  laissés  à  droite.  J'éprouvai  la  curiosité
                  d'aller voir de près ces deux lumières.


                  En  me  rapprochant  de  la  surface  de  l'océan  quelle  ne  fut  pas  ma
                  stupéfaction de voir une véritable île flottante ! Mille fenêtres ou hublots
                  éclairés comme les fenêtres d'un palace un soir de grandes réjouissances.
                  Le fait de voir en pleine nuit, au cœur de l'océan, un paquebot en fête a
                  quelque chose de magique et de grandiose.


                  Je fis un large virage au-dessus du navire, tandis que Gimié nous faisait
                  connaître et demandait à l'équipage où il allait et qui il était. En réponse à
                  notre appel, nous reçûmes des Portugais des souhaits de réussite.

                  Nous allions vers la fin du clair de lune ; pas la moindre brise de vent ; la
                  mer était calme et notre joie complète.


                       Nous faisions alors un véritable voyage de plaisir, une excursion ; de
                  pilotes de ligne, nous étions devenus des touristes.
   85   86   87   88   89   90   91   92   93   94   95