Page 51 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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                      Ayant  observé  de  plus  près  ce  phénomène,  je  découvris  avec  effroi  que
                  l'extrémité  du  petit  tuyau  qui faisait  communiquer  le  réservoir  supplémentaire
                  avec l'air extérieur était projetée régulièrement - un petit jet d'essence qui allait
                  tomber sur le pot d'échappement. Or, il était pulvérisé par la chaleur de ce pot,
                  porté au rouge, comme on peut l'observer au cours des vols de nuit. C'était donc
                  un risque continuel que nous courions et dans l'espoir de le faire cesser au plus
                  tôt, je réduisis la puissance du moteur, mais sans succès.


                  Ayant réfléchi que, sans doute, la basse pression qui régnait à l'altitude où nous
                  volions pouvait être une des causes de cette anomalie, réduisant mon moteur à
                  fond, je me mis à piquer énergiquement au grand effroi de mes passagers qui
                  me croyaient forcer à atterrir alors que nous survolions justement à ce moment-
                  là une vaste étendue de forêts vierges.

                  Ne pouvant communiquer verbalement avec eux, je leur fis passer un papier leur
                  expliquant  succinctement  que  j'étais  obligé,  pour  une  raison  technique,  de
                  terminer le voyage à basse altitude.

                  J'ai bien résolu à tenter un atterrissage, dès qu'un terrain se présenterait sous un
                  aspect  pas  trop  défavorable,  si  les  projections  d'essence  sur  le  pot
                  d'échappement  continuaient,  mais  heureusement,  elles  s'amenuisaient  peu  à
                  peu  ;  quand  j'eus  atteint  l'altitude  de  300  mètres  environ,  elles  cessèrent
                  complètement, mais par mesure de précaution je continuai à descendre jusqu'au
                  ras du sol.

                  Ayant  alors  remis  les  gaz,  je  poursuivis  et  achevai  mon  voyage  dans  ces
                  conditions, c'est à - dire que, pendant plus de deux heures, je fis du rase-mottes
                  à la hauteur des arbres gigantesques de la forêt.

                   Enfin, nous arrivâmes à Asunción, mais j'avais eu très chaud.

                  Ficarelli ayant profité de vent favorable à l'altitude que nous avions choisi au
                  départ de Monte Caseros et dont l'avion équipé comme le mien d'un réservoir
                  supplémentaire, n'avait pas présenté la même dangereuse anomalie, était déjà
                  arrivé et nous attendait.

                  Sur ce  terrain  d'Asunción,  nous fûmes  reçus  par le  commandant  Fromont,
                  aviateur  de  la  mission  militaire  française,  et  son  futur  beau-père,  le  colonel
                  Coulet, chef de cette mission, entouré d'un grand nombre d'officiers de l'armée
                  Paraguayenne et de certaines personnalités civiles.


                  Après quelques jours passés à Asunción, où nous fûmes fêtés par les Français
                  de  la  ville  et  nos  amis  paraguayens,  nous  rentrâmes  à  Buenos  Aires  sans
                  incident. L'exploitation de cette ligne se poursuivit normalement, mais le trafic,
                  aussi bien en passagers qu'en poste, était très faible".

                                            Vicente Almandos Almonacid


                                                   “el condor riojano”
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