Page 56 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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Un passager de marque avait demandé à m’accompagner ; il s'agissait du
Comte de La Vaulx, fameux pionnier de l'aéronautique, un des premiers pilotes
de dirigeables, alors président de la Fédération aéronautique internationale. Il
avait un intérêt tout particulier à retourner en Patagonie.
En effet, trente ans auparavant pour le compte d'une organisation scientifique
française, il en avait effectué la prospection à cheval, à la tête d'une expédition
qui rapporta nombre de renseignements et de souvenir. Intéressant
l'ethnographie des Indiens qui avaient peuplé autrefois cette région. Le Comte
de La Vaulx, en raison de sa personnalité, avait été invité par la direction de la
Compagnie Générale Aéropostale à effectuer le parcours Toulouse à Buenos
Aires.
Il fut un des rares passagers à être admis à faire ce voyage, la ligne étant
réservée à la poste aérienne ; il fut donc embarqué à Toulouse comme un sac
de lettres, prit l'avion jusqu'à Dakar, survolant le désert particulièrement
inhospitalier de cette côte d'Afrique, fut transbordé sur l'aviso qui le conduit à
Natal d'où il reprit l'avion pour Buenos Aires. Ce voyage, d'une durée totale de
sept jours, fut accompli dans d'excellentes conditions et notre passager en fut
enchanté.
Le 25 février 1929, je pris donc à mon tour le Comte de La Vaulx comme
passager du vol de reconnaissance que j'allais entreprendre sur un Breguet XIV,
du parcours Buenos Aires-Comodoro Rivadavia. J'emmenais en plus le
mécanicien argentin Quirolo. Sur ce trajet de 1 600 km environ, trois escales
avaient été prévues.
La première était Bahia Blanca à environ 60 km au sud-ouest de Buenos Aires,
où existait un petit aérodrome utilisé par l'aéro-club de cette ville. Les deux autres
étaient San-Antonio Oeste puis Trelew, déjà en Patagonie où des terrains de
fortune avaient été choisis pour l'atterrissage.
Il avait été convenu avec Mermoz que nous retrouverions, à mon retour, à San
Antonio Oeste où il prendrait à son bord le comte de la Vaulx pour l'emmener au
Chili au cours de la première reconnaissance qu'il se proposait de faire par la
route sud de la ligne Buenos Aires -Santiago, ayant décidé de traverser d'abord
les Andes à leur partie la plus basse, à la hauteur du lac Nahuel Huapi.
Notre voyage à Comodoro Rivadavia s'effectua d'abord sans histoire.
Accueillis et fêtés à Bahia Blanca par les autorités et les membres de l'aéro-club,
nous poursuivîmes notre route après une réception mémorable.
Mais les choses commencèrent à se gâter à partir de San- Antonio Ouest où
nous eûmes à affronter un vent debout de plus en plus violent à fur et à mesure
que nous avancions plus au sud en Patagonie.
Ce vent, outre qu'il freinait notre marche au point de nous obliger à faire du
surplace, nous secouait terriblement.