Page 58 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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                      Dès que ces vents se déchaînaient, des précautions spéciales étaient prises
                  pour  l'atterrissage  des  avions  qu'ils  surprenaient.  Les  autorités  militaires  de
                  Comodoro Rivadavia nous avaient même prêté le concours de la troupe pour la
                  manœuvre suivante : quand un avion devait atterrir par un de ces vents furieux,
                  deux groupes de six à huit hommes étaient disposés de telle sorte que ces deux
                  équipes  formaient  un  couloir  large  d'une  trentaine  de  mètres  et  long  d'une
                  cinquantaine. L'avion, presque à plein moteur, se posait la queue haute au milieu
                  de ce couloir. Le pilote maintenait son moteur à un régime élevé de façon que
                  l'avion n'avance ni ne recule, jusqu'à ce que les mécaniciens aient pu passer
                  sous la béquille le chariot de queue qui conservait ainsi à l'avion sa ligne de vol
                  pour offrir moins de prise au vent.


                  En  même  temps,  chaque  groupe  de  soldats  se  rassemblait  et,  munis  d'une
                  longue perche de bambou au bout de laquelle avait été fixé un large et solide
                  crochet, ils se précipitaient pour enfiler ce crochet dans un gros anneau qui avait
                  été prévu à cet effet à l'extrémité supérieure du mât avant sous chaque aile. Une
                  fois  l'anneau  accroché,  le  groupe  restait  suspendu  à  la  perche  de  bambou ;
                  l'avion était ainsi fixé au sol malgré les rafales de vent. À un signal convenu, à
                  l'aide du moteur, le pilote faisait avancer très lentement son avion qui était de
                  cette façon rapportée au hangar devant l'ouverture duquel il avait atterri, avec les
                  difficultés et les à-coups que l'on peut imaginer !



























                                                   Lutte contre le vent.

                  Une fois, cette manœuvre se termina tragiquement. Alors que chacun des deux
                  groupes  de  soldats  avait  ainsi  saisi  l'avion  de  part et  d'autre,  une  rafale plus
                  violente  le  souleva  brusquement  d'un  côté,  entraînant  le  groupe  d'hommes
                  accrochés à la perche et qui se trouvèrent suspendus à environ deux mètres du
                  sol.

                  Ils lâchèrent prise l'un après l'autre, si bien que l'avion libéré de ce côté s'abattit
                  sur l'autre, écrasant le groupe de l'aile opposée.

                  Deux des soldats trouvèrent la mort dans cet accident, tandis que quatre autres
                  étaient blessés plus ou moins grièvement.
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