Page 133 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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Rivière, le responsable du réseau, est plus qu’intransigeant
avec ses hommes. C’est lui qui a imposé les vols de nuit et se
bat pour les maintenir en dépit des difficultés. Il demande à ses
pilotes d’affronter les mauvaises conditions atmosphériques
pour ne pas retarder le courrier, mais surtout pour vaincre leur
peur. Grâce à lui, sur 15 000 km, le culte de la courrière prime
avant tout.
Fabien, le pilote, affronte la mort non pour acheminer des plis, mais parce
qu’il fait de son devoir le sens de l’existence. La mort devient une victoire,
même si elle se paye de larmes et de souffrances. Le courrier de Patagonie
est menacé par l’orage. Fabien ne peut contourner la masse nuageuse
transpercée d’éclairs. L’aéroport qu’il vient de quitter est pris dans la
tempête et tout atterrissage est impossible.
Il ne peut pas rebrousser chemin et doit affronter la tempête.
À Buenos Aires, Rivière attend des nouvelles. La liaison radio avec les
autres aéroports est interrompue, trop d’éclairs. Il ne peut rien, sinon
attendre.
Perdu dans les nuages, Fabien lance sa fusée éclairante et se rend compte
qu’il est au-dessus de la mer. Il change de cap pour revenir vers la terre et
envoie un message à Buenos Aires pour informer de ses difficultés.
À Buenos Aires, Rivière comprend que l’avion est perdu. Il pense à la
femme de Fabien qui arrive justement, inquiète. Elle se sent mal à l’aise
dans cet univers où il n’y a pas de place pour la pitié.
Face à Rivière se dresse non l’épouse, mais « un autre sens de la vie ».
Rivière sait que Fabien a épuisé son essence et qu’il n’y a plus d’espoir.
Mais si Rivière arrête un seul avion, s’il accepte un seul retard, la cause
des vols de nuit serait perdue.
Tout doit continuer. Rivière porte « sa lourde victoire ».
Citations.
Dans la vie, il n'y a pas de solutions. Il y a des forces en marche : il faut
les créer, et les solutions suivent. Nous ne demandons pas à être éternels,
mais à ne pas voir les actes et les choses tout à coup perdre leur sens. Si
la vie humaine n'a pas de prix, nous agissons toujours comme si quelque
chose dépassait, en valeur, la vie humaine. Le but, peut-être, ne justifie
rien, mais l'action délivre de la mort. Aimez ceux que vous commandez.
Mais sans le leur dire. Le règlement est semblable aux rites d'une religion,
qui semblent absurdes, mais qui façonnent les hommes. On est riche aussi
de ses misères. L'homme est cire vierge, qu’il faut pétrir.