Page 244 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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Itinéraire de la ligne Aéropostale Toulouse - Santiago du Chili.
Par cette aube pluvieuse, l'aéroport de Toulouse s'éveille lentement ; seul,
sous un hangar, brille dans la lumière crue des lampes à arc un grand avion
argenté que coupent sans cesse les ombres mouvantes d'une foule de
mécaniciens, pilotes, radios, douaniers et postiers... Sur le terre-plein s'entassent
des sacs de courrier sur lesquels je lis au hasard : Dakar, Rio, Buenos Aires,
Santiago... Et je salue en eux mes futurs compagnons de voyage, ceux qui
partageront avec moi le fond obscur de la carlingue ; j'assiste à leur
embarquement dans la cabine arrière déjà envahie par les nombreux colis
postaux, valises et paquets dont le transport est admis jusqu'à Casablanca.
L'hélice tourne... Qu'attend-on ? Pour toute réponse, on me montre la
camionnette qui, dans le halo de lumière, vient de déposer sous la grande aile
des sacs de lettres descendus quelques minutes plus tôt du train : c'est la
correspondance de Paris. Un autocar sortant également de l'ombre amène des
passagers, car jusqu'au Maroc le service n'est pas strictement postal et l'avion
est un grand appareil confortable pouvant contenir douze personnes. Je ne fais
donc pas encore connaissance avec la soute aux bagages.
Vérification des passeports ; serrements de main... Dans le grondement de ses
500 ch le Laté 28 sautille dans les flaques de boue, gagne les balises aux feux
rouges et s'élève dans les rafales de pluie. Il est 5 h.30 ; l'avion pique vers le sud.
Bientôt l'orage éclate et les remous nous secouent fortement ; notre pilote,
Delpech, lutte contre les éléments déchaînés ; la T.S.F crépite ; par les hublots,
les éclairs irradient la cabine et la foudre éclate près de nous...
Nous sommes obligés d'atterrir à Carcassonne où l'on nous confirme
téléphoniquement que la tempête fait rage sur Barcelone.