Page 246 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
P. 246
246
L'arrivée du Laté 26 a Cap-Juby : le débarquement du courrier
À Port-Étienne : des Touaregs se pendent aux ailes pendant les
manoeuvres d'atterrissage.
Je n’ai plus pour horizon que les sacs de courrier dont chacun représente une
étape de ma randonnée et mon coude s’appuie sur un couffin de cuir rouge, le
dernier venu de mes compagnons, qui évoque ce prestigieux Maroc dont mon
pied n’aura même pas touche le sol... Puis, malgré l’inconfort, je m’assoupis...
Des claquements m'émerveillent : moteur réduit, nous descendons vers un
rectangle lumineux entouré de petits feux rouges : c'est Agadir. Officiers et
indigènes nous entourent. Un magnifique guerrier chleuh, entre autres, attire mon
attention : son turban bleu, sa ceinture hérissée de poignards aux pommeaux de
cuivre et la grosse cordelière qui retient sur sa poitrine de nombreux fétiches et
amulettes lui donnent grand air. Mais, geste attendu, le voilà qui relève son
burnous, ajuste des lunettes sur son masque sauvage et enjambe délibérément
la carlingue de l’avion dans lequel nous venons prendre place ! Avec une
impassibilité tout orientale, il s’installe à côté de moi sur un fût d’eau douce. En
cas de panne chez les pillards du Rio del Oro, ce Chleuh doit nous servir
d’interprète, discuter notre rançon et tenter d'éviter notre massacre. Et je songe
avec un frisson aux supplices qu’à chaque voyage risque notre pilote.