Page 91 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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Le Bemtévi nous fixa sur notre position. La lune disparut à l'horizon et
ce fut la nuit noire, une nuit d'encre.
Il était 6 heures. Les lueurs d'échappement du moteur m'aveuglaient et me
faisaient mal aux yeux de telle façon que je me trouvais dans l'obligation,
une seconde fois de regarder à l'intérieur de la carlingue et de suivre toutes
les indications données par les instruments de bord pour piloter.
Une fuite d'huile.
J'attendais le lever du jour avec une vive impatience. Quand le soleil
s'éleva au-dessus de l'horizon, j'aurais préféré ne le voir jamais : c'est
l'aube qui me fit entrevoir toute l'importance du désastre ; il y avait de l'huile
de partout, sur le pare-brise, sur la carlingue, il y en avait jusque dans le
poste de pilotage. Il se passait évidemment quelque chose d'anormal.
Cependant, le moteur tournait aisément au régime de 1 620 tours-minute,
et notre vol en était facilité par un vent du sud-ouest.
À 200 mètres d'altitude, nous distinguions les vagues qui semblaient avoir
de deux à trois mètres de creux.
Il n'y avait qu'une chose à faire : passer les 35 kilogrammes d'huile de
réserve dans le moteur, puisque la pression d'huile avait des variations
inquiétantes.
Il était impossible d'atteindre la côte.
J'alertai Gimié pour lui dire d'aviser le Phocée de notre infortune. Le
second bâtiment de secours placé par mesure de sécurité sur notre trajet
par l'Aéropostale nous fit savoir qu'il se trouvait à 70 kilomètres en avant.
Presque minute par minute, la radio du Phocée nous passa notre
relèvement pour que nous ayons la certitude de conserver la bonne
direction.
Puis nous n’entendîmes plus rien, nous étions trop près pour percevoir la
moindre émission. Dabry fit le point et constata que j'avais bien observé
les instructions passées par le Phocée.