Page 88 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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                    Tous nos préparatifs étaient terminés à l'arrivée de Barbier, dans la nuit
                  du 6 au 7 juillet, sur l'aérodrome de Natal, avec le courrier hebdomadaire
                  qui vint jusqu'à nous par voie de terre.

                  Mais quel ne fut pas notre effarement en constatant cette fois que le vent
                  ne soufflait plus du sud-est : il avait tourné à l'Ouest et l'eau de la lagune
                  n'était pas ridée. Vingt-huit jours sur trente, le vent est sud-est ; ce jour-là,
                  il en fut autrement.


                  Un terrible destin nous poursuivait.

                  Ma tâche ne devait pas être plus aisée que sur le Rio Potengui. J'eus beau
                  tout essayé, avoir toutes les audaces, je subis huit échecs au cours de la
                  matinée.

                  L'un  des  essais  de  départ  faillit  se  terminer  très  mal :  étant  parvenu  à
                  "hydroplaner" à une vitesse de 100 kilomètres par heure, une saute de vent
                  brutale attrapa l'appareil de travers et faillit le faire chavirer.


                  Le redressement, réussi à pleine puissance, fut sensationnel : emporté à
                  toute allure à gauche, l'avion dérapa pour ainsi dire, glissa sur la gauche,
                  une forte accélération accompagnée d'un violent coup - pied droit sur le
                  palonnier le ramena dans une position plus normale et moins périlleuse.

                  L'après-midi, comme le matin, l'esprit ne put triompher de la matière.


                  À trois reprises, je fus vaincu.


                  À la onzième tentative de la journée, en bras de chemise aux commandes,
                  la sueur perlant sur le front, mon attention était concentrée à tel point que
                  je crispai les mains sur le volant et serrais les mâchoires.


                  Je ne pouvais pas tout envoyer au diable : mon plus grand désir était de
                  tenter une traversée d'ouest en est pour procéder à des expériences.


                  Ma  volonté  pesait  bien  peu :  le  lendemain  matin,  je  repris  six,  fois  ma
                  chance, six fois l'hydro resta collé à la lagune, bien qu'il fût allégé de 200
                  litres d'essence.


                      La direction technique de l'Aéropostale estima que les cinquante-deux
                  tentatives de départ suffisaient simplement pour savoir à quoi s'en tenir sur
                  les mesures à prendre pour enregistrer un succès au premier effort. Je
                  reçus un câble me priant de convoyer le courrier à bord d'un aviso.


                  Je ne devais donc plus essayer de repartir.
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