Page 85 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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Il n'y avait absolument rien à faire. Jamais je ne pus me trouver face au
vent.
Dabry et Gimié, toujours assis dans leur fauteuil, étaient résignés et me
laissèrent agir à ma guise sans intervenir ou manifester leur
désappointement. Je leur savais gré de la confiance qu'ils me
témoignaient.
Au poste de pilotage, je me demandai comment je parviendrai enfin à
décoller et, bien que conservant une certaine maîtrise de moi-même, je
dois reconnaître que je commençai à désespérer.
Il était vraiment terrible, après avoir réussi des départs extrêmement faciles
pour le record du monde en circuit fermé et la traversée de Saint-Louis à
Natal, d'être impuissant et de ne pouvoir avec le même matériel, obtenir
un même résultat sous une autre latitude et un autre climat. Seule, la
nature de la base pouvait être mise en cause, mais cela suffisait
amplement à nous empêcher de prendre notre essor.
Après la huitième tentative, le vent étant resté toujours dans la même
direction, je ne pouvais pas répéter indéfiniment ces essais de décollage.
De plus, il fallait reprendre de l'essence et de procéder à une inspection
générale de notre machine.
Nous abandonnions notre hydravion pour aller dormir trois heures et le
laisser aux mains des mécaniciens.
Trente-cinq tentatives.
Au lever du jour, nous constations que le vent avait toujours la même
direction, qu'il était du Sud-est et qu'il nous prendrait toujours de côté. Bien
qu'en aviation, on ne puisse pas compter sur le miracle, j'espérais enfin
réussir.
Entre 5 et 7 heures du matin, je refis quatre nouvelles tentatives de
décollage.
Quatre fois encore, l'hydravion ne put se déjauger. Je fis remorquer
l'appareil en amont, pensant que ce sens nous serait plus favorable.
À l'heure du déjeuner, je fis le compte des essais : il y en avait seize.
Seize fois, j’ai tenté de soulever l'avion sans y parvenir et j'avais
l'impression que j'allais succomber à la tâche et que je serai obligé de
déclarer forfait.