Page 84 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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Décollage impossible. Le vent étant très rarement favorable, j'aurai dû
attendre plusieurs jours avant de prendre ma première chance.
Sur la ligne de départ, le vent soufflait de trois-quarts de côté. Dabry et
Gimié étaient à leur place.
Je mis le moteur en mouvement, le fis tourner quelques minutes, puis je
tirai sur la manette des gaz pour démarrer.
Lors des essais dans ce même bassin, l'hydravion décolla avec une facilité
inouïe, étant relativement léger.
Quelle ne fut pas ma surprise, et aussi mon angoisse, de ne pas pouvoir,
non seulement décoller, mais même ne pas déjauger.
D'un seul coup, brutalement, le flotteur gauche s'engagea. Je fus amené
dans un "cheval de bois" à gauche que je pus contrecarrer quelque peu en
accélérant.
Lorsque j'eus coupé le contact, je me demandais comment il serait possible
de pouvoir partir avec un vent aussi mal orienté pour l'endroit.
Je ne me fis aucune illusion et compris immédiatement que notre envolée
serait de plus en plus difficile.
Nous étions venus sans peine de Saint-Louis du Sénégal à Natal. Il fallait
à tout prix tenter l'expérience de la traversée dans le sens inverse, non pas
pour tâcher de réaliser la première traversée d'ouest en est, mais pour voir
dans quelles conditions on pourrait établir un trafic aérien hebdomadaire
dans l'avenir.
Abandonner, c’était impossible : notre mission était d'une importance
considérable, beaucoup plus grande qu'on ne peut se l'imaginer quand on
est rentré en France ; là-bas, nous défendions et les intérêts et le prestige
de l'aviation commerciale française.
Je pris donc la décision de tenter ma chance autant de fois que je
pourrais.
À 2 heures du matin, je terminais ma huitième tentative.
J'avais pourtant pris le fleuve dans tous les sens, d'amont en aval, d'aval
en amont, en plein courant, à contre-courant, de travers, cherchant de
toutes les façons à profiter du vent pour pouvoir enfin quitter la surface de
l'eau.