Page 175 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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                     En  conséquence  de  ces  accidents  inexplicables,  les  équipages  ne
                  voulurent plus voler de nuit.

                  Avec mon chef mécanicien Lucien Guénard, nous passâmes des heures à
                  faire toutes sortes de suppositions allant jusqu'aux essais en vol, mais rien
                  ne se révéla.


                  Un jour où il faisait au sol quelque 32°, je montai à plein régime jusqu'à
                  trois mille mètres et mon moteur, qui faiblissait petit à petit, fut à peu près
                  arrêté. Piquant, faisant siffler les mâts, je descendis le plus vite possible ;
                  j'atterris, l'hélice en croix.


                  Quelle surprise en ouvrant le capot ! Un bloc de glace entourait la prise
                  d'air du carburateur ; givrage sous les tropiques par plus de 32° au sol !

                  Les ateliers de Buenos Aires avaient crû bon, pour la période d'été, de
                  supprimer le réchauffage du carburateur et si l'effet de cette modification
                  était heureux pendant la saison sèche, en Argentine et dans  le sud du
                  Brésil, par contre elle devenait dangereuse à partir de Santos ; en effet,
                  dans cette région et au nord de Rio, l'état hygrométrique de l'air est souvent
                  entre 90 et 95%.


                  En altitude et de nuit surtout, le refroidissement intense givrait littéralement
                  le carburateur et, l'accumulation de la glace obstruant la prise d'air, étouffait
                  le moteur, d'où baisse de régime et perte totale de puissance.


                  Guénard fit donc procéder à la remise en état des réchauffages et quand
                  j'effectuai le courrier suivant, celui du 25 octobre, tout se passa bien.

                  À  chaque  escale,  je  donnai  aux  mécaniciens  les  consignes  de
                  modifications à effectuer sur les avions de réserve et, sans autres arrêts
                  que les dix minutes réglementaires, je fis le voyage aller et retour à Natal
                  dans des conditions normales.


                  La pluie est presque journalière en cette saison.

                  Le terrain de Bahia était une longue bande défrichée parallèlement.


                  Télégraphiquement tenue informée, la direction de Buenos Aires s'étonna
                  tout d'abord puis, devant l'évidence et les résultats, la confiance revint.
                  Albert Tête, que ses qualités d'appréciation et son indépendance d'esprit,
                  allaient bientôt porter à de plus hautes fonctions, m'adressa un message
                  de félicitations.


                   Les vols de nuit reprirent sans défaillance, ces vols au cours desquels
                  nous passions de l'été à l'hiver.
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