Page 199 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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L'idée d'un arrêt ne vient même pas à l'esprit de Vanier.
La Ligne, c'est « la ligne », toujours inspirée et conduite par les maîtres
mots : aller, voire et insister.
Sur le terrain, au sol à Caravelas, le Laté-26 n’est pas encore équipé de la
radio. Il tourne au ralenti, prêt à partir.
Ce qui, courrier transféré, réduit le temps d'escale à moins de 5 minutes.
Et au ras de l'eau, Vanier s'enfonce alors dans une nuit naissante, déjà
obscurcie par les rouleaux sombres d'orages isolés.
Après 02 h 40 d'une dure bataille, au cours de laquelle, et parfois à
quelques mètres, le pilote aura découpé les méandres d'une côte où
seules apparaîtront çà et là les rares franges d'une écume
phosphorescente souvent noyées de pluie dense, il apercevra alors le
phare de Victoria dans une trouée.
Sous le hangar, à Victoria, le Laté-26 F-AIKY dispose des pleins complets.
Récemment arrivé de Buenos-Aires par le jeu des courriers, il est équipé
de la radio. Vanier n'hésite pas.
Malgré une météo confirmée par Rio « pluie torrentielle, visibilité nulle,
orages ininterrompus », il part.
À défaut d'un spécialiste de La Ligne, il emmène Olivario Chagas, le radio
brésilien rattaché à la station de Victoria, dont ce sera le baptême d'étape
! Lièvre reste à Victoria et reviendra Rio par un prochain courrier. Un violent
grain s'abat sur le terrain.
Sur ses deux magnétos, prudemment sélectionnés, les 450 chevaux
Renault donnent son régime.
Dans la pluie, l'eau et la boue collent aux roues, freinent le décollage et
leurs projections viennent frapper jusque dans les plans comme autant de
coups de raquette.
Mais Vanier arrache le F-AIKY du bourbier de Victoria.