Page 98 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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                     Droit devant nous, nous apercevons la muraille des Andes - gigantesque
                  barrage de six ou sept kilomètres de hauteur étalés tout le long de l'horizon.

                  Comment passerons-nous ? L'avion est vieux, il plafonne à 4 200 mètres.
                  Mais nous découvrirons bien un col par où nous faufiler. Ce col, il faut le
                  trouver.


                  La muraille est à pic et le passage le moins inaccessible se trouve à plus
                  de 4 500 mètres…

                  À perte de vue, des cimes blanches, magnifiques, scintillent au soleil.


                  Heureusement, le  vent d'ouest souffle avec  violence, il faut  essayer de
                  l'utiliser. Nous ne pouvons plus tourner ainsi sans agir. Enfin, un courant
                  ascendant nous emmène vers un couloir que j'avais repéré. Nous passons.
                  La chance est avec nous.


                  Mais la chance ne dure pas.


                  De  l'autre  côté  de  la  crête,  de  violents  courants  descendants  nous
                  saisissent et rabattent l'appareil vers le sol. Impossible de lutter.

                  Je suis plaqué brusquement sur une pente rocheuse entourée de ravins
                  verticaux : le contact avec le sol est brutal. L'avion roule, craque de toutes
                  parts, rebondit encore, puis s'arrête, cabré vers le ciel.


                  Rien de cassé. Nous sommes tous deux indemnes. Mais l’appareil ?

                  Nous sautons à terre. Le train d'atterrissage est endommagé, affaissé sur
                  un côté, le moteur, la béquille, les ferrures de queue, tout a subi le choc.
                  Le diagnostic de Collenot est bref :


                  - Rien à faire déclare-t-il.

                  Et quand Collenot a parlé, on peut le croire. Nous regardons autour de
                  nous. Nous sommes perdus dans une vallée étroite, une sorte de cratère
                  allongé, où rien ne vit. L'avion repose, sur une plate-forme resserrée. C'est
                  un  miracle  qu'il  n’ait  pas  roulé  au  fond  du  gouffre.  En  haut,  les  cimes
                  inaccessibles de la Cordillère. Et le grand silence...

                  Comment sortir ? Pas de T. S. F. à bord, naturellement, aucun secours n'a
                  espéré. Nous n'avons qu'une chance de salut : repartir à pied - refaire en
                  sens inverse notre trajet de la journée. On mettra le temps qu'il faudra. Je
                  ne déteste pas la marche.


                     Collenot est d'accord. Un dernier regard sur l'avion, le vieux compagnon,
                  et nous voilà partis.
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