Page 115 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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Henri Guillaumet et son Potez 25
Récit.
Poussées par un fort vent d'ouest, des masses d'air humide venues
du Pacifique déferlent sur la cordillère des Andes lorsque le biplan décolle
de l'aéroport de Santiago du Chili, à 8 heures du matin, ce vendredi 13
juin 1930. Le petit Potez 25 de l'Aéropostale, où le pilote a eu du mal à
glisser sa carcasse imposante et le sac du courrier, grimpe vaillamment
pour gagner de l'altitude.
Aux commandes, Henri Guillaumet se sent d'humeur combative. La veille,
le « Santiajeu » ("Santiago du jeudi") a perdu une journée, mais les
Américains de la Pan Air ne volent pas ce matin, c'est une bonne occasion
de marquer un point sur la concurrence. Les 450 chevaux du moteur
Lorraine tirent le petit avion à travers les nuages, des brumes d'embruns
fouettent le pare-brise. Bientôt, l'air devient vif sur les joues, la lumière
perce l’ouate et l'avion surgit en plein soleil, à 6 000 mètres d'altitude.
À l'horizon nord, les nuages bourgeonnent jusqu'à 8 000 ou 9 000 mètres
d'altitude, engloutissant le massif de l'Aconcagua. La veille, Guillaumet a
dû rebrousser chemin sur cette voie-là, l'itinéraire habituel, qui suit la voie
ferrée du Transandin en frôlant le plus haut sommet d'Amérique latine.
Cette fois, il va tenter de passer plus au sud, dans un secteur au relief
moins agressif. Des volcans aux formes arrondies y dominent un lac
sombre, « La Lagune Del Diamante ». L'itinéraire a été reconnu, mais il est
peu utilisé : la région est inhabitée et, en cas de panne, il n'y a aucun
secours à attendre.
Ce vendredi, la météo de Mendoza, le point de destination, dit : « ciel
couvert avec trous ».