Page 116 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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En plein hiver austral, la traversée s'annonce chahutée. Mais Henri
Guillaumet en a vu d'autres. À vingt-huit ans, il entame sa 92e traversée
de la Cordillère. Bercé par la musique d'orgue du petit moteur, il
s'abandonne à la monotonie du vol, fouillant les nuages du regard à la
recherche d'une trouée qui lui fournirait un indice sur sa position.
Soudain, le Potez est secoué brutalement. Happé par un puissant courant
descendant, il plonge dans des nuages de neige. C'est son ami Antoine de
Saint-Exupéry qui a raconté la scène pour lui dans Terre des hommes :
« aussitôt, je lâchai les commandes, me cramponnant au siège pour ne
point me laisser projeter au-dehors. Les secousses étaient si dures que les
courroies me blessaient aux épaules et eussent sauté ».
L'avion passe une première fois sur le dos, il n'y a plus d'horizons, plus de
haut ni de bas, les instruments sont figés par le givre, les chocs encaissés
tellement violents que le moteur a des hoquets silencieux de plusieurs
secondes. Guillaumet a beau avoir l'habitude de piloter « aux fesses »,
cette fois, l'avion ne lui répond plus. Pendant deux interminables minutes,
il le sent plonger, s'attendant à chaque instant à voir un morceau de
montagne bondir à sa rencontre.
Enfin, une masse sombre apparaît : « La Lagune del Diamante »
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