Page 150 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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                     La présence d'une femme dans ce lieu insolite ne manqua pas de me
                  surprendre, mais je sus bientôt que son courage et les précautions prises
                  écartaient tout danger. À Fernando de Noronha le pittoresque ne manquait
                  pas, ainsi mes hôtes me prévinrent que leur cuisinier et leur homme à tout
                  faire  étaient  tous  deux  des  forçats ;  l'un  était  un  empoisonneur  (le
                  cuisinier, bien entendu), l'autre avait tué toute sa famille.


                  Des colombes vivaient en grand nombre sur cette île et chacun pouvait les
                  tirer dans ses moments de loisir, d'autre part, le poisson ne manquait pas
                  et chaque mois la liaison régulière avec Natal renouvelait le ravitaillement.

                  Pour  pêcher,  les  forçats  disposaient  de  « jangadas »,  radeaux  formés
                  d'arbres légers et imputrescibles. Leur précarité empêchait, certes, toute
                  tentative  d'évasion,  mais,  surcroît  de  précautions,  ces  embarcations
                  primitives étaient cadenassées le soir venu.

                  Mon inspection me fit découvrir dans une petite vallée au centre de l'île une
                  partie étroite mais assez longue pouvant, après travaux, être envisagée
                  comme bande d'atterrissage.


                  Au  retour,  de  passage  à  « Bahia »,  je  visitai  avec  Thomas  le  nouveau
                  terrain prévu le long de la plage. Trop court et détrempé par la moindre
                  pluie, celui « D'Itapohan » se révélait dangereux.

                  Sur les douze mille kilomètres de la Ligne, il n'était plus question depuis
                  quelques  semaines  que  de  l'essai  prochain  d'une  liaison  directe  Saint-
                  Louis au Sénégal Natal. Nous savions qu'un LAT. XXVIII muni de flotteurs
                  était prévu pour ce coup d'aile de 3 200 kilomètres.

                  D'escale  en  escale,  les  derniers  tuyaux  couraient,  plus  ou  moins
                  fantaisistes, car Toulouse n'avait pas coutume d'ébruiter ses intentions.


                      Nous avions uniquement la certitude que Didier Daurat et les ingénieurs
                  de l'usine travaillaient beaucoup pour résoudre ce problème, que l'avion et
                  son moteur étaient capables d'un tel exploit et enfin que Mermoz devait
                  être l'exécutant.

                   Malgré  l'ampleur  des  difficultés  à  vaincre,  tous,  nous  attendions  avec
                  confiance et nous avions hâte de connaître le jour choisi.


                  Je  connaissais  Daurat,  je  devinais  qu'au  dernier  moment,  seulement,
                  arriverait aux vingt-sept escales jalonnant la ligne une note explicite mais
                  brève définissant le rôle de chacun.


                  Simultanément, Serre lança à ses vingt-sept stations de T.S.F., les ultimes
                  consignes de surveillance.
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