Page 151 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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                     Alors d'un bout à l'autre de ce long réseau que nous avions tracé tous
                  les cœurs battirent au même rythme.

                  Depuis vingt-quatre heures déjà, Daurat, Serre et l'équipage de la grande
                  aventure : Mermoz, Dabry et Gimié étaient arrivés à Saint-Louis où l'on
                  procédait  aux  dernières  vérifications.  De  l'autre  côté  de  l'Atlantique,  au
                  Brésil,  en  Uruguay,  en  Argentine  et  au  Chili  chacun  avait  suivi  avec
                  enthousiasme  la  première  partie  du  voyage  :  Marseille  Saint-Louis  et
                  chacun aussi se préparait à jouer son rôle.

                  J'allais avoir ma place dans cette aventure en assurant, de Natal jusqu'à
                  Rio-de-Janeiro  l'acheminement  du  courrier  apporté  par  Mermoz  et  ses
                  compagnons. Julien Pranville, notre directeur d'exploitation, devait quitter
                  Buenos-Aires avec l'avion supplémentaire ; il était entendu que nous nous
                  rendions ensemble à Natal, mais alors que son appareil avait décollé à 0
                  h 30, la nuit s'acheva sans nouvelles précises sur sa marche.

                  Vers 8 heures, un court message nous apprit qu'une catastrophe avait dû
                  se produire. Un peu plus tard, cette nouvelle se confirma et l'ampleur du
                  désastre nous fut révélée. Le LAT. XXVIII, terrestre, monomoteur piloté par
                  Négrin,  ayant  pour  passagers  Pranville  à  la  place  du  second  pilote,  le
                  radiotélégraphiste René Prunetta et deux Brésiliens, étaient tombés dans
                  le Rio de la Plata.

                  Pranville était à bord par hasard. Il avait pris la place de Marcel Bouilloux -
                  Lafont qui souhaitait aller à la rencontre de Mermoz, en avait été empêché
                  à la dernière minute. Manuel Zorilla, un journaliste du périodique chilien El
                  Magallanes,  avait  également  été  invité  à  monter  à  bord,  mais  son  taxi
                  s'était  embourbé  à  l'arrivée  au  port,  il  avait  dû  renoncer  au  voyage.  Il
                  n'apprit la tragédie que le lendemain.




                             Disparition de Pranville, Negrin, Brunetta.


                                         Pressé  de  franchir  le  Rio  de  la  Plata  et  la  côte  de
                                         l'Uruguay  avant  la  formation  des  brumes  matinales
                                         fréquentes à cette période de l'année et susceptibles
                                         de le retarder de plusieurs heures, Négrin ne s’était
                                         lancé pensant que, comme les autres fois, la réussite
                                         récompenserait son effort.


                                         Le voyage paraissait devoir s'accomplir normalement,
                                         l'avion pouvait voler entre ciel et eau vers six à huit
                        Negrin Elysées   cents mètres, dans le froid et l'atmosphère brumeuse,
                                         mais  cette  nuit-là  justement  la  brume  était  plus
                     http://remb.free.fr/dossie
                         r/lespilotes.htm   traîtresse que de coutume.
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