Page 188 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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Le travail en perspective chassa la fatigue, chacun s'affaira pour
préparer l'un des derniers avions mis en service, un LAT. XXVIII d'un
tonnage et d'un moteur plus forts. Un moteur de rechange fut démonté,
pièce par pièce pour pouvoir être casé dans le coffre arrière, travail
méticuleux, à recommencer au montage et dans quelles conditions ! Sur
une plage ventilée avec le sable pénétrant partout et risquant de se loger
dans une canalisation vitale.
Nous décollâmes bien avant le jour et, après cinq heures d'un voyage à
l'estime, la brume se dissipa peu avant Paranagua, nous laissant entrevoir
la côte aux trois quarts découverte par la marée basse.
L'atterrissage réussi, aussitôt les pleins des réservoirs furent complétés
pendant que le chargement était mis à terre et remplacé par le courrier.
Couret et Néri n'avaient pris aucun repos depuis leur
départ de Buenos Aires, il y avait trente-trois heures,
mais ils furent bientôt à leur nouveau poste. L'hélice
tourna, un adieu rapide à ceux qui restaient et le
décollage sur la bande de sable déjà mordue par la
marée montante.
Comme toujours un impératif avait primé : le courrier.
À présent, nous avions le temps de chercher à
comprendre. Jacques Néri, Radio
- Alors, Janet, que vous est-il arrivé ? Je vois que vous avez pris un bain.
En effet, Janet était vêtue d'un pantalon militaire kaki trop court de trente
centimètres au moins et d'une grande chemise à rayures vertes du genre
de celles que les noirs aiment tant exhiber les jours de fête. Entre deux
cocotiers, ses vêtements séchaient, son pantalon aux jambes gonflées à
l'horizontale et presque rigides faisait penser à une manche d'air. Cette
plage, déserte sûrement depuis des siècles, avait pris l'aspect d'un
véritable aérodrome. La mine contrite, les bras ballants, Janet, grand
athlète blond et sympathique, soupira :
- Je suis désespéré ! Malgré la brume, j'avais fait un heureux et rapide
voyage et j'arrivai directement sur l'avion en panne sans perdre une
minute, car je m'étais aperçu que la marée allait atteindre sa hauteur
maximum.
J'atterris droit devant moi sur une bande étroite, pris par le travers par le
vent du large, et quand je touchai le sol je, sentis la roue droite se freiner
de plus en plus.