Page 186 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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Là-bas, une lueur indécise, une masse noire, un vieux fort portugais
avec sa tour basse et crénelée au sommet de laquelle la sentinelle effrayée
n'osait plus bouger.
Sur le pas de la porte, tout harnaché, le lieutenant qui commandait le
détachement fut bientôt rejoint par ses hommes qui arrivèrent en courant
avec fusils et cartouches. Tous croyaient qu'un avion des révoltés de Sao
Paulo était venu pour les bombarder ou les faire prisonniers.
Après quelques minutes d'une conversation à distance, le lieutenant
comprit qu'il avait affaire à des étrangers. Les craintes se dissipèrent et la
situation s'éclaircit tout à fait lorsqu'il eut reconnu l'avion postal. De
belliqueux, les soldats devinrent serviables et compatissants.
- Nous disposons d'une barque. Dès le jour, nous irons à « Paraguana »
porter le message que vous voudrez bien rédiger. Il avait bien distingué les
émissions des postes qui demandaient de leurs nouvelles, mais il était lui-
même réduit au silence, car d'infructueux essais d'émission avaient
déchargé ses accumulateurs.
À Rio, à Porto Alegre, à Florianópolis aucune onde n'arrivait, plus aux
écouteurs, le crépitement des décharges électriques couvrait tout, aucun
signe d'espoir ne perçait ce vacarme. Pourtant, il était encore possible de
voir apparaître entre les deux projecteurs braqués vers l'horizon, au-
dessus du rectangle illuminé et balisé de lampes rouges, l'appareil arraché
à la brume traîtresse, mais chaque minute passée venait diminuer cette
chance.
À 5 heures, aucune nouvelle n'étant parvenue, Janet, le chef d'aéroplace
de Porto Alegre se prépara à partir. D'après les renseignements des
stations à l'écoute, l'émission de l'avion avait cessé quatre-heures après le
départ. Logiquement, la panne ou l'arrêt forcé avait eu lieu à ce moment,
c'était donc dans sa zone de surveillance et de dépannage que Couret
s'était posé. J'autorisai Janet à partir sans délai.
Pilote, radio, mécanicien, bidons d'essence, caisse d'outils, vivres, eau
potable furent chargés.
Dans l'aube qui tardait à venir l'appareil décolla et tout se passa
normalement pendant quatre heures, jusqu'au moment où le radionavigant
lança un appel général pour signaler
"Vu avion en panne sur une petite plage en bordure océan, estuaire du rio
Paranagua, le fuselage paraît tordu, allons atterrir ..."
Pourquoi cette émission brusquement interrompue ?