Page 182 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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                    Souvent au cours de ces vols interminables la fatigue surpassait l'intérêt
                  du  paysage  et  Sautereau  trouva  sans  doute  qu'un  passage  dans  une
                  trombe d'eau ne fut rien de plus qu'un dérivatif.

                  Passé Caravellas, ce fut la nuit. Le pilote avait appris à la connaître, à ne
                  plus  tenir  compte  de  ses  embûches  lorsque  le  courrier  était  dans  la
                  carlingue. Victoria, au sud la nuit noire ; quel temps faisait-il au-delà de cet
                  horizon d’encre ? Il fallait y aller voir.


                  Aux approches du cap San Thomé, le vent plus fort secoua l'appareil d'une
                  aile sur l'autre. Réflexes plus nerveux. Au sein de l'orage engloutissant
                  bientôt  la  machine  et  ses  occupants,  une  sarabande  infernale,  des
                  communications radio quasi impossibles et, brusquement, trouant la nuit,
                  deux, trois feux, ceux du terrain de secours de Campos. Près de la cabane
                  de planches et de tôles rouillées, Sautereau se posa.

                  Il attendit là l'accalmie à l'abri de l'ouragan et au centre des éclairs éclatant
                  de part et d'autre.


                  Le ménage des gardiens apporta la marmite de riz blanc dans laquelle
                  chacun  plongea  sa  cuillère  de  bois ;  quelques  bananes  clôturèrent  ces
                  agapes.

                  Le  passager  eut  un  hamac,  Sautereau  et  le  radio  Floret  laissèrent  le
                  second à la femme de leur hôte ; pour se détendre, ils s'allongèrent sur
                  des couvertures posées à même le sol. Bientôt sous la lueur incertaine
                  d'une lanterne à pétrole, la conversation faiblit, mais Sautereau ne dormait
                  pas,  il  bondit  soudain  quand  un  animal  énorme  passa  à  côté  de  lui ;
                  d'autres plus petits glissèrent rapidement vers les lattes disjointes de la
                  porte  d'entrée.  Dans  la  cabane,  ce  fut  un  branle-bas  général,  ces
                  serpents, ce boa imposant allaient sans doute revenir.


                  Sautereau était effrayé mais tout autant stupéfait de voir ses hôtes rester
                  calmes  au  milieu  de  ce  vacarme.  Ils  expliquèrent  tout  naturellement  à
                  Floret seul capable de traduire leur idiome.

                  - C'est notre chien.


                  Comment savoir quand certains endroits isolés les indigènes ont l'habitude
                  de capturer de gros serpents et de leur enlever leurs crochets pour les
                  laisser par la suite engloutir tous les détritus !

                  La familiarité de ces monstres ne fut pas du tout du goût de nos camarades
                  qui achevèrent leur nuit sans trouver le sommeil. Finalement, ils pensèrent
                  que la carlingue de leur avion était encore un havre plus sûr que cette
                  cabane  et  quant  au  petit  matin,  ils  reprirent  leur  vol,  la  tempête  s'était
                  éloignée.
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