Page 181 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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- Pourquoi n'ouvres-tu pas toutes grandes fenêtres et portes ? Cela
créerait un appel d'air.
Bien sûr, il y avait les moustiques ! Quelques-uns voletaient dans la pièce,
insensible aux vaporisations insecticides qui n'asphyxiaient que nous.
Mieux valait, me semblait-il, quelques piqûres à cette atmosphère
étouffante.
Sans un mot, Floret se dirigea vers la porte, l'ouvrit toute grande. Aussitôt,
un vol lourd de gros coléoptères noirs s'engouffra comme s'il avait attendu
derrière le battant. Sur tout, cette véritable nuée s'abattit plutôt qu'elle ne
se posa, maladroite et répugnante, hérissant mon épiderme d'Européen.
Assis à nouveau à sa table, Floret transcrivait un message télégraphique ;
il venait d'entrer en contact avec l'appareil que nous attendions, il n'allait
plus le lâcher. Imperturbable, pris par son travail, il écartait d'un geste
imperceptible les scarabées tombés sur ses mains.
Il y en avait partout et quand je me dirigeai vers la porte, mes pas, en
glissant, écrasèrent dans un bruit désagréable quantité de ces
envahissantes bestioles.
Dehors, les frôlements étaient plus supportables. Je guettai l'atterrissage
du courrier en pensant que bientôt, j'allais être délivré, mais en pensant
aussi que toute la nuit mon camarade veillerait sans se plaindre, conscient
de l'importance de sa tâche !
- Le boa de Bahia a disparu la nuit dernière.
Ce fut la première phrase de Rolland qui pilotait le LAT. XXVI. Le serpent
captif avait réussi à soulever treillage et madrier et à rejoindre sa forêt
natale...
Après quatre années de service sur les lignes d'Air Union, un autre de nos
camarades, Camille Sautereau était entré à l'Aéropostale, tenté sans doute
par l'aventure et par des cieux inconnus.
Son secteur fut tout d'abord Rio-Natal ; de quoi oublier vite la vie et les
occupations parisiennes ! Un parcours de 2 200 kilomètres, une côte
toujours bordée par la forêt vierge, des habitants bronzés ou noirs, des
rencontres surprenantes, de quoi satisfaire un esprit aventureux !
Ce jour-là Sautereau devait emmener jusqu'à Rio un passager éminent,
quasi officiel, il s'agissait d'un révolutionnaire important.
Dans des alternances de ciel clair et d'orages rompant un peu la
monotonie du parcours, le voyage se déroula selon le processus habituel.