Page 157 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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                  Oui, mais tiendrait-il une heure ?

                  « Pression  d'huile  inégale,  aiguille  manomètre  oscille  constamment...
                  Commençons à apercevoir la côte ».


                  Que ces alternatives d'espoir et (la peur fut angoissante) !


                  Et toujours ce sentiment d’impuissance !

                  Un silence ! Signifiait-il la panne brusque du moteur grippé par manque
                  d’huile ? Non, car Gimié signala.


                  « Longeons  la  côte »  et  Mermoz,  toujours  calme  dans  le  danger,  fit
                  annoncer comme pour nous tranquilliser et forcer le destin : « Arriverons
                  dans vingt minutes. »


                  Enfin, la fine silhouette de l'hydravion se dessina à l'horizon.


                  Bientôt sur l'eau calme du Rio Potengi, près du grand hangar dont il allait
                  être le premier occupant, l'appareil se posa silencieusement.

                  Il était 7 h 30 et à cette heure matinale, nous fûmes peu nombreux pour
                  accueillir nos camarades.


                   Sans  bruit,  sans  réclame  inutile,  modestement  comme  les  artisans
                  effectuant de leur mieux le travail demandé, cet équipage venait de battre
                  le record de distance en ligne droite pour hydravion et de transporter au-
                  dessus de 3 200 kilomètres d'eau le premier courrier aérien officiel.


                  Trois grands sacs, plus de vingt mille lettres provenant de l'Europe entière
                  et destinées au Brésil, à l'Uruguay, à l'Argentine, au Paraguay, au Chili et
                  à la Bolivie !

                  Avec  quelle  émotion,  j’étreignis  ces  hommes  qui  venaient  d'inscrire  au
                  palmarès  de  l'aviation  commerciale  l'une  de  ses  plus  belles  pages  de
                  gloire.


                     Avec quelle émotion aussi, j’évoquai, pour Mermoz, en quelques phrases
                  l'accident de Montevideo...


                  Les  sacs  sortis  de  l'hydravion  furent  chargés  dans  la  camionnette  qui
                  démarra aussitôt et arriva quarante minutes plus tard au terrain.


                  Ce fut l'affairement  et très  vite l'avion libéré  de ses cales commença à
                  rouler, décolla, fonça en direction du sud pour un nouveau voyage de 2
                  400 kilomètres dont le terme, après cinq étapes, était Rio de Janeiro.
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