Page 253 - L’AÉROPOSTALE D’AMÉRIQUE DU SUD
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Et nous prenons un envol rapide. Il est 15 h 55. Après un coup d’œil aux débris
de l’avion transatlantique de Challe, nous naviguons interminablement au-dessus
de monotones lagunes pour n’arriver que le soir à Récife, la curieuse cité lacustre
pompeusement appelée la « Venise du Brésil ». Les renseignements
météorologiques sont défavorables. Le pilote osera-t-il reprendre le vol
dangereux au-dessus de la brousse ?
Une indigène de Bahia se rendant au marché.
Ne partez pas ; nous crie-t-on. Mais Rolland montre les sacs multicolores qui
doivent être ce soir a Bahia à ; et nous nous lançons dans la nuit : une nuit
opaque et froide qui ne me permet pas de distinguer le bout des ailes ; suspendu
dans l’obscurité au-dessus du " matto " ce désert de broussailles hérissées, je
ressens une affreuse impression de solitude, d’abandon.
Et cependant, de tous côtés, des stations de T.S.F nous recherchent pour nous
guider.
N’est-il pas vrai qu’a Paris, la direction de l’Aéropostale elle-même, renseignée
d’heure en heure sur notre situation, prend sa part de nos angoisses ?
Devant moi, j’aperçois, éclairées par les lampes de bord, les têtes de deux
hommes dont j’aurais tort de douter ; et mon malaise se transforme en un banal
ennui. Les rates du moteur m’avertissent de notre descente sur Maceió dont les
lumières et les projecteurs percent difficilement la brume.